Observatoire

Rapport de l'Observatoire des délais de paiement 2020

Mise en ligne le 28 Septembre 2021

Par Jeanne-Marie Prost et Jean-Pierre Villetelle

La pandémie de Covid-19 a fortement affecté la vie des entreprises en 2020 avec, d’une part, des mesures sanitaires de restriction d’activité mettant les entreprises en difficulté pour faire face à leurs obligations de règlements, d’autre part des mesures de soutien public massives venant compenser ce manque d’activité. Ce rapport présente un état des lieux en 2019 à la veille de la crise sanitaire et un premier constat d’ensemble des effets que celle-ci aura eu sur les comportements de paiement en 2020.

2019 a vu une évolution remarquable puisque les délais de paiement, après quatre années de stabilité, étaient nettement orientés à la baisse. Sur un an, les délais fournisseurs ont diminué de près de 2 jours d’achats, à 49 jours d’achats en 2019 contre 51 jours en 2018, et les délais clients de 1,5 jour, à 43 jours de chiffre d’affaires. Le solde commercial lui-même s’est réduit de 0,3 jour d’achats. Tous les secteurs ont été concernés par cette réduction des délais de paiement. Il est difficile d’identifier une cause unique à cette évolution favorable dont les facteurs sont à chercher dans un contexte macroéconomique porteur, l’extension de la dématérialisation et de la facturation électronique, l’effet dissuasif des sanctions.

Exception à cette évolution positive, seules les grandes entreprises auront vu à la fois leurs délais clients et leurs délais fournisseurs augmenter entre 2018 et 2019. Pour les délais fournisseurs néanmoins, il semble qu’il y ait eu des retards plus nombreux mais au total de plus faibles montants qu’en 2018, le net à payer en retard des grandes entreprises s’étant réduit sur un an. En outre, d’après les résultats d’une étude présentée dans le rapport, si les entreprises en retard, toutes tailles confondues, tendent en moyenne à réduire leur retard de 5,1 jours l’année suivante (compte tenu d’éventuelles contraintes économiques et financières cette année-là), cet effort est inexistant en moyenne dans les grandes entreprises. Au-delà du cadre réglementaire, la modification des comportements des entreprises elles-mêmes reste donc cruciale pour modifier la dynamique des retards de paiement. C’est aussi ce qui ressort d’une comparaison des délais de paiement en France et en Allemagne.

Avec la crise sanitaire de 2020 et son impact sur l’activité des entreprises, les comportements de paiement se sont rapidement dégradés. D’après les données d’Altares, les retards de paiement en France, de 11,24 jours en janvier, sont montés à 15,3 jours en août, avant de revenir à 12,84 jours en décembre. Cette dégradation des paiements a concerné tous les profils d’entreprises et tous les secteurs, mais plus particulièrement l’hébergement-restauration et les activités d’information et de communication. Cependant, au total, il n’y a pas eu de dérive complète des comportements de paiement, ce qu’attestent les fédérations professionnelles membres de l’Observatoire. Les dispositifs publics massifs de soutien et d’aides en trésorerie et l’aménagement des conditions de règlement trouvé entre entreprises ont en effet permis de contenir la dégradation des délais de paiement. S’agissant des grands donneurs d’ordre, la mise en place d’un comité de crise a également eu un effet dissuasif au tout début de la crise. Le constat dans le reste de l’Europe, tel qu’il ressort des enquêtes d’Intrum et d’Atradius, est globalement similaire, avec des allongements des délais de paiement en 2020, parfois subis, parfois consentis dans la relation commerciale.

Les plans de continuité et de reprise d’activité mis en place lors du confinement par la DGFiP (direction générale des Finances publiques), et les mesures législatives et réglementaires adoptées pour faire face à la crise, avaient notamment pour but d’assurer la continuité du paiement des fournisseurs. Ces dispositions prises dans le contexte général de la modernisation des processus de la dépense publique ont permis, pour l’État, d’atteindre un délai global de paiement de la commande publique de 17,3 jours en moyenne en 2020. Avec 2,1 jours de moins comparé à 2019, il s’agit d’une réduction très significative qui traduit l’attention des services de l’État à payer rapidement les fournisseurs dans le contexte de crise.

Pour les collectivités locales, dans les mêmes conditions, l’amélioration est générale : on observe une réduction des délais de paiement pour toutes les catégories de collectivités, y compris les collectivités de grande taille, que ce soit en moyenne, en médiane, et pour les délais les plus longs. Ainsi, pour les communes, le délai global de paiement se réduit d’un jour pour atteindre 19,2 jours en moyenne. Néanmoins, des délais de plus de 30 jours persistent, en particulier pour plus de 10 % des régions, des communes de grandes taille et des groupements à fiscalité propre (communautés urbaines, communautés d’agglomérations et métropoles).

L’Observatoire des délais de paiement rappelle sa position favorable à l’ouverture de l’ensemble des données relatives aux délais de paiement des collectivités locales. Cette évolution permettrait aux entreprises de disposer d’une information fiable et objectivée sur les conditions de paiement de leurs clients publics.

Les établissements publics de santé ont, quant à eux, été touchés directement par la crise sanitaire, ce qui a entraîné une dégradation quasi générale. Pour toutes les catégories d’établissements, le délai de paiement moyen est désormais proche ou supérieur au délai réglementaire de 50 jours. Ces établissements ont en effet dû engager rapidement des dépenses exceptionnelles pour répondre aux besoins de traitement de la crise sanitaire, saturant les services et engorgeant les flux de mandatement et de paiement. Il y a donc là un effet transitoire, mais de forte ampleur, qui touche un secteur qui faisait déjà face par endroits à des difficultés de paiement à l’heure.

Pour sa part, la DGCCRF (direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes) a également fait preuve de pragmatisme car si ses contrôles ont porté en 2020 sur des comportements antérieurs à la crise, ils se sont appliqués pendant la période de crise. Tenant compte de la situation financière des entreprises en infraction en 2020, la part des suites répressives a ainsi diminué en 2020 par rapport à 2018 et 2019.

Une nouvelle fois, la DGCCRF observe que les retards sont en partie dus à la méconnaissance de la réglementation, en particulier sur les délais dérogatoires (par exemple, touchant au paiement des prestations de transport ou à celui des factures périodiques).

Le rapport révèle que les tendances d’avant crise étaient assez bien orientées, tant dans le domaine interentreprises que dans le secteur public. Les efforts de modernisation, de dématérialisation et de rationalisation des processus d’achat portent désormais leurs fruits, de même que la diffusion de meilleures pratiques commerciales. Au cours de la crise sanitaire en 2020, les partenaires commerciaux tant privés que publics ont su adapter leurs comportements avec, il est vrai, l’appui des aides publiques, ce qui a permis une relative bonne tenue des délais de paiement, malgré une détérioration inévitable. Le comité de crise sur les délais de paiement a ainsi donné en exemple un ensemble de 16 entreprises, dont certaines grandes entreprises, qui se sont engagées à soutenir leurs fournisseurs par des mesures telles que la généralisation des acomptes, le paiement accéléré de leurs factures, notamment envers leurs fournisseurs TPE et PME. Mais il est préoccupant de constater de nouveau l’absence d’amélioration plus générale du comportement de paiement des grandes entreprises. Leur engagement dans un processus de réduction des délais de paiement de leurs fournisseurs serait pourtant décisif pour revenir rapidement aux tendances favorables d’avant crise.

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