Bloc-notes Éco

Épargne financière, dette et actifs monétaires pendant la pandémie

Mise en ligne le 11 Février 2022
Auteurs : Louis Bê Duc

Billet n°256. L’augmentation de la détention d’actifs monétaires par le secteur non-financier dans la zone euro et aux États-Unis pendant la pandémie s’explique par la forte progression de l’épargne financière liée aux transferts publics et à la croissance soutenue des prêts, et notamment, en zone euro, des prêts garantis par l’État. Les arbitrages de portefeuille ont renforcé la dynamique monétaire aux États-Unis alors qu’ils l’ont atténuée en zone euro.

Image Graphique 1. Sources d’évolution des actifs monétaires des ménages dans la zone euro (Variation des flux annuels en % du PIB)
Graphique 1. Sources d’évolution des actifs monétaires des ménages dans la zone euro (Variation des flux annuels en % du PIB)
Source : Comptes sectoriels de la zone euro, BCE.

Note : Le graphique montre l’évolution des actifs monétaires (ligne orange) résultant de l’évolution de la capacité/besoin de financement, des engagements et des placements financiers (barres). Les autres engagements comprennent les autres comptes à payer. Les autres placements financiers comprennent les dépôts et titres de créance à long terme, les actions et autres participations, les parts de fonds d’investissement hors fonds monétaires, les réserves techniques d’assurance, les autres comptes à recevoir.

La pandémie a eu un impact très marqué sur l’économie, en affectant les revenus et le comportement financier des agents économiques. Les ménages ont connu une très forte croissance de leur capacité de financement (ou ci-après "épargne financière"), ainsi qu’une augmentation de leurs actifs monétaires. Les encaisses monétaires détenues par les ménages ont augmenté de 9 % du PIB aux États-Unis, contre 3 % dans la zone euro. L’articulation entre actifs monétaires, épargne financière, autres engagements et arbitrages de portefeuille dans la zone euro et aux États-Unis peut être formalisée par l’identité suivante :

Monnaie = Capacité de financement + emprunts bancaires + autres engagements – autres placements financiers.

Les actifs monétaires détenus par un secteur augmentent avec sa capacité de financement, les prêts contractés, ou l’émission d’autres passifs (par exemple des actions et des titres de créance). Ils se réduisent à hauteur des placements financiers autres que monétaires (dépôts et titres de créance à long terme, actions et autres participations, parts d’OPCVM non monétaires et réserves techniques d’assurance).

La hausse de la capacité de financement des ménages s’explique par la combinaison de transferts publics très importants et d’une baisse de la consommation liée aux mesures de confinement. Cette hausse de la capacité de financement a constitué le principal moteur de la croissance des avoirs monétaires dans la zone euro et aux États‑Unis. Celle-ci a traduit l’émission massive de dette publique achetée par les institutions financières monétaires (IFM) pour financer des transferts aux secteurs détenteurs de monnaie (comme détaillé dans l’article "l'augmentation de la masse monétaire pendant la crise COVID : analyse et implications", Bulletin de la Banque de France 239/2, janvier-février 2022). Cependant, les arbitrages de portefeuille ont également joué un rôle dans cette dynamique, avec des différences entre les deux régions. Dans la zone euro, la dynamique monétaire a été atténuée par l’augmentation des achats d’actifs plus risqués : actions, parts d’OPCVM non monétaires et réserves technique d’assurance-vie. À l’inverse, aux États-Unis, la vente de titres de créance et de parts de fonds non monétaires a accentué l’accumulation d’actifs monétaires (voir barre violette - graphique 2). Le rôle des prêts bancaires a été négligeable dans des deux régions. Aux États-Unis, il ressort de l’enquête de la Fed sur les anticipations des consommateurs (mars 2021) que les ménages ont consacré un tiers du montant des chèques reçus dans le cadre du plan de soutien au remboursement de leur dette.

Image Graphique 2. Sources d’évolution des actifs monétaires des ménages aux États-Unis (Évolution des flux annuels en % du PIB)
Graphique 2. Sources d’évolution des actifs monétaires des ménages aux États-Unis (Évolution des flux annuels en % du PIB)
Source : Comptes financiers des États-Unis, Conseil de la Réserve fédérale.

Note : Le graphique montre l’évolution des actifs monétaires (ligne orange) résultant de l’évolution de la capacité/besoin de financement, des engagements et des placements financiers (barres). Les autres engagements comprennent les autres comptes à payer. Les autres placements financiers comprennent les dépôts et les titres de créance à long terme, les actions et autres participations, les parts de fonds d’investissement hors fonds monétaires, les réserves techniques d’assurance et les autres comptes à recevoir.

Malgré une baisse de leurs revenus primaires, la capacité de financement des sociétés non financières a également augmenté en 2020, tant dans la zone euro qu’aux États-Unis, en raison de transferts publics et d’un report drastique des plans d’investissement. Cette augmentation de la capacité de financement des entreprises non-financières (avec des exceptions, comme en France où le besoin de financement des entreprises a légèrement augmenté) explique en grande partie la forte accumulation de liquidités dans les deux régions, l’investissement en actifs financiers non monétaires étant globalement modéré. Cependant, la croissance des prêts bancaires, en particulier dans la zone euro, a également contribué à la forte création monétaire. En effet, de nombreuses entreprises touchées de plein fouet par les effets des mesures de confinement ont eu recours à des financements externes, tandis que d’autres ont préféré accroître leurs liquidités en période d’incertitude, tout en reportant leurs plans d’investissement. Du côté de l’offre, la mise en place de prêts garantis par l’État et, dans une certaine mesure, les opérations de refinancement à long terme ciblées, ont contribué à faciliter l’octroi de prêts bancaires aux entreprises. La croissance des prêts aux entreprises américaines a été plus modérée : les entreprises se sont davantage appuyées sur les émissions d’obligations, qui ont augmenté, et les prêts aux entreprises non financières américaines ont été affectés par les remises de prêts prévues dans le cadre du Paycheck Protection Program.

Image Graphique 3. Sources d’évolution des actifs monétaires des sociétés non financières dans la zone euro (Évolution des flux annuels en % du PIB)
Graphique 3. Sources d’évolution des actifs monétaires des sociétés non financières dans la zone euro (Évolution des flux annuels en % du PIB)
Source : Comptes sectoriels de la zone euro, BCE.

Note : Le graphique montre l’évolution des actifs monétaires (ligne orange) résultant de l’évolution de la capacité/besoin de financement, des engagements et des placements financiers (barres).  Les autres engagements comprennent les autres comptes à payer. Les autres placements financiers comprennent les dépôts et titres de créance à long terme, les actions et autres participations, les parts de fonds d’investissement hors fonds monétaires, les réserves techniques d’assurance et les autres comptes à recevoir.

Image Graphique 4. Sources d’évolution des actifs monétaires des sociétés non financières aux États Unis (Évolution des flux annuels en % du PIB)
Graphique 4. Sources d’évolution des actifs monétaires des sociétés non financières aux États Unis (Évolution des flux annuels en % du PIB)
Source : Comptes financiers des États-Unis, Conseil de la Réserve fédérale.

Note : Le graphique montre l’évolution des actifs monétaires (ligne orange) résultant de l’évolution de la capacité/besoin de financement, des engagements et des placements financiers (barres). Les autres engagements comprennent les autres comptes à payer. Les autres placements financiers comprennent les dépôts et les titres de créance à long terme, les actions et autres participations, les parts de fonds d’investissement hors fonds monétaires, les réserves techniques d’assurance et les autres comptes à recevoir.